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La prostitution
8 décembre 2015

L’horreur juridique au pays de la rafle du Vel d’Hiv. La pénalisation des clients de prostituées

Un projet de loi calqué sur la loi suédoise de 1999, est en cours de discussion devant l’Assemblée nationale et le Sénat du pays des pleins pouvoirs au maréchal Pétain et de la rafle du Vel d’Hiv. Comme en Suède, ce projet prévoit que les clients des prostituées seront pénalisés tandis que les prostitué-e-s ne le seront pas et pourront proposer leurs services sexuels en toute légalité.

 

Ce projet est ambigu, incohérent, illogique et injuste. Il est ambigu parce qu’on ne sait pas s’il prohibe ou ne prohibe pas la prostitution. Il ne la prohibe pas dans la mesure où il permet aux personnes prostituées d’offrir des services sexuels à des clients, mais il la prohibe en interdisant aux clients d’accepter ces propositions. Il est incohérent parce qu’il n’y a pas de sens à permettre aux personnes prostituées d’exercer leur activité et simultanément de  leur interdire d’avoir des clients. Si des hommes ou des femmes exercent cette activité, c’est évidemment dans le but d’en tirer des revenus, de gagner leur vie. Or, pour gagner de l’argent, les personnes prostituées ont besoin d’avoir des clients. Faire le pied de grue sur un trottoir n’a jamais rapporté d’argent. Seules les passes rapportent. Il est absurde de permettre aux personnes prostituées de proposer leurs services si on ne leur permet pas d’avoir des clients. C’est un peu comme si on autorisait des commerçants, des fleuristes, des restaurateurs, etc. à ouvrir une boutique, tout en punissant tous les clients qui en franchiraient le seuil. L’aberration est totale. Enfin, ce projet est illogique et injuste envers les clients. En effet, à partir du moment où les prostituées sont autorisées à proposer leurs services, on ne voit pas au nom de quoi on devrait interdire aux hommes de les accepter. L’iniquité de la loi scélérate choque Elisabeth Badinter : « Je n’arrive pas à trouver normal qu’on autorise les femmes à se prostituer mais qu’on interdise aux hommes de faire appel à elles. Ce n’est pas cohérent et c’est injuste. »

 

Comment un projet de loi aussi absurde a-t-il pu naître dans les cerveaux des parlementaires français ? Comment un tel déclin du droit, un tel naufrage de l’intelligence et de la raison ont-ils été possibles ?

 

Le 3 octobre 1940, le Conseil des ministres de Vichy décrète le premier statut des Juifs. Suit une série de mesures restrictives, dont une liste de fonctions et mandats interdits aux Juifs : haute administration, grands corps de l'Etat, etc. Ils se voient également bannis de certaines professions comme le journalisme, la littérature, le cinéma, le théâtre, les arts, etc. S'ils peuvent continuer à exercer des professions libérales, c'est en tenant compte d'un numerus clausus fixé à 2%. Quelques intellectuels s'insurgent contre ces positions, comme Jean Guéhenno écrivant à la date du 19 octobre 1940 : "Le gouvernement de Vichy publie ce matin le statut des Juifs en France. Nous voilà antisémites et racistes. Je me sens plein de honte." Que dirait Jean Guéhenno de la loi sur la prostitution s’il vivait aujourd’hui ? Comme Jean Guéhenno en 1940, je me sens aujourd’hui plein de honte, non pour moi, mais pour les parlementaires qui ont voté la loi scélérate de pénalisation des clients sans pénalisation des personnes prostituées.

 

La France de ce début de XXIe siècle qui se plaît tant à rappeler qu’elle est « le pays des droits de l’homme » est, de toute évidence, plus proche de la France de Vichy, de la France de Pétain, de la France des lois antisémites et de la rafle du Vel d’Hiv que de la France de 1789.

 

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