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La prostitution
9 décembre 2015

UN MONDE DEBARASSE DE LA PROSTITUTION

De nos jours beaucoup estiment que la prostitution n’est pas une bonne chose et qu’il serait souhaitable de la faire disparaître. Ils estiment qu’un monde sans prostitution serait un monde meilleur. Je partage ce point de vue mais la question est : par quel moyen parvenir à ce résultat ?

 

Pour faire disparaître la prostitution, il faut s’en prendre à ses causes. Et il est clair depuis des siècles que la première cause de la prostitution, c’est la misère, l’absence de ressources qui découle par exemple de l’impossibilité de trouver un emploi. Au XIXe siècle déjà, Parent Duchâtelet .écrivait : « De toutes les causes de la prostitution aucune n’est plus active que le manque de travail et la misère qui est la conséquence inévitable de salaires insuffisants. »

 

«  Pour que la prostitution disparaisse, écrit Simone de Beauvoir, il faudrait qu’un métier décent fût assuré à toutes les femmes. » Simone de Beauvoir ne parle que des femmes parce que, dans son esprit, les prostituées sont toujours des femmes. Mais nous savons bien que des hommes, aussi se prostituent, même s’ils sont moins nombreux que les femmes. Il faudrait donc, pour que la prostitution disparaisse, qu’un métier décent soit assuré à tous, hommes comme femmes.

 

De la sorte, nous pouvons affirmer sans le moindre doute que les personnes prostituées sont victimes du système capitaliste. Beaucoup d’hommes et de femmes qui se prostituent ne le font pas librement, mais parce qu’ils y sont contraints par la misère. S’ils en avaient la possibilité, ils gagneraient leur existence par un autre moyen. Or, il faut être clair, le responsable de la misère, c’est le système capitaliste. Tous les hommes politiques discourent sur le chômage que, prétendent-ils, ils veulent faire baisser. Mais cela ne se peut pas parce que le système capitaliste engendre nécessairement le chômage, et parce qu’il l’engendrera de plus en plus avec les délocalisations, les fermetures d’usines et les progrès de la productivité. Ainsi, pour supprimer la prostitution, il faut qu’un métier décent et normalement rémunéré soit assuré à tous et pour cela, il faut en finir avec le capitalisme, il faut que les moyens de production et d’échange deviennent la propriété commune de tous les travailleurs. C’est la bonne méthode.

 

Malheureusement, ce n’est pas du tout de cette manière que les prohibitionnistes entendent mettre fin à la prostitution. Ils n’ont aucunement l’intention de permettre à tous d’occuper un emploi digne. Ils n’ont aucunement l’intention d’en finir avec le capitalisme parce qu’ils sont tous des libéraux, des partisans de l’économie de marché et de la concurrence libre et non faussée. La méthode qu’ils entendent utiliser, c’est la répression. Cette méthode n’est pas la bonne, et cela pour plusieurs raisons.

 

La première raison, c’est que la répression ne mettra pas fin à la prostitution. C’est une évidence. Le trafic de drogue est réprimé mais cela n’empêche pas qu’il se poursuit. De la même manière, la répression de la prostitution n’y mettra pas fin, mais fera qu’elle se poursuivra dans la clandestinité, avec tous les risques sanitaires et de sécurité qui en découleront pour les personnes prostituées. La répression, loin d’aider les plus faibles et les plus démunis, ne fera que les désavantager encore plus, comme le remarque la philosophe féministe Elisabeth Badinter : « La pénalisation des clients ne mettra pas fin à la prostitution. Je ne connais aucune prohibition qui fonctionne. Les prostituées disent qu’elles ont besoin de parler avec le client pour savoir qui il est. Elles apprennent à détecter les pervers. Dans la négociation, la prostituée peut dire ce qu’elle fait et ce qu’elle ne fait pas. Une loi qui veut venir au secours des plus faibles va en fait multiplier les dangers.»

 

Les Etats-Unis ont réprimé la consommation d’alcool de 1919 à 1933. La prohibition de l’alcool partait d’une bonne intention. L’alcool est en effet responsable de maladies, d’absentéisme au travail et de violences. C’est pourquoi des ligues de tempérances avaient convaincu les pouvoirs publics d’en interdire la consommation. Malheureusement, les résultats ont été catastrophiques. Non seulement la prohibition n’a pas mis fin à la consommation d’alcool mais elle a provoqué une explosion de la criminalité organisée, en particulier des mafias siciliennes. Les mafias ont tiré de fabuleux profits de la contrebande d’alcool importé du Canada ou de France (Saint-Pierre et Miquelon), et de l’apparition de distilleries clandestines et de débits de boissons clandestins. En outre, des milliers de personnes ont perdu la vie en absorbant de l’alcool frelaté. Tirant les leçons de cet échec, le gouvernement des Etats-Unis a mis fin à la prostitution en 1933.

 

Si en France, la pénalisation des clients est adoptée, elle aura des conséquences comparables. Les premiers bénéficiaires seront les réseaux mafieux et la criminalité organisée dont les profits tirés de l’esclavage sexuel exploseront. « C'est exactement l'inverse de ce qu'il faut faire » tempête Denis Ponton, commandant de police à la retraite et ancien responsable de la brigade des mœurs de Strasbourg. Auteur d'un livre sur le commerce du sexe dans sa ville, il connaît bien les mécaniques de la prostitution qu'il a vu changer, de la prostitution de rue à l'arrivée des filles de l'est et des réseaux mafieux: "Avec cette loi, on va faire rentrer les prostituées dans la clandestinité, elles devront se cacher ce qui nécessite de l'organisation. Or qui dit organisation dit réseaux mafieux, ce sont eux qui seront les plus capables de tirer leur épingle du jeu. On aura peut-être bonne conscience, mais les prostituées seront toujours là. La seule différence, c'est qu'on ne les verra plus et qu'il sera encore plus compliqué de lutter contre ces réseaux."

 

La seconde raison, selon moi, pour laquelle la répression de la prostitution n’est pas une bonne solution c’est que, même si on la considère comme dégradante, elle reste un moyen de gagner sa vie offert aux plus défavorisés. Les plus défavorisés ont peu de choix. Ils peuvent choisir la délinquance, par exemple arracher les sacs à main des femmes âgées, voler des câbles électriques le long de voies de la SNCF pour revendre le cuivre ou encore vendre de la drogue. Ils peuvent aussi se livrer à la mendicité, par exemple en faisant la manche dans le métro. Si certains choisissent la prostitution plutôt que la délinquance ou la mendicité, nous devons respecter leur choix. Bien sûr, ce choix n’est pas libre mais dans une société comme la nôtre, peu nombreux sont ceux qui bénéficient d’un large éventail de possibilités. Un salarié qui accepte un emploi mal payé, loin de son domicile et sans intérêt parce qu’on ne lui propose rien d’autre n’est pas non plus entièrement libre de son choix. Les brillants diplômés de l’enseignement supérieur, ceux qui sortent des meilleures écoles disposent de larges possibilités de choix. Ils choisissent en toute liberté ce qui leur plaît. Mais tout le monde n’a pas cette chance. Les plus défavorisés, particulièrement les migrants sans papiers, sans diplômes et qui parlent à peine notre langue ne sont pas dans ce cas. Quand une société n’est pas capable de procurer à tous des moyens dignes de gagner son existence, elle devrait avoir la décence de ne pas empêcher les plus pauvres et les plus défavorisés de gagner leur existence du mieux qu’ils le peuvent.

 

Je lis que certains défenseurs de la pénalisation des clients de prostituées arguent que les personnes qui se prostituent ne le font qu’apparemment de leur plein gré,y étant le plus souvent poussées par la nécessité économique. Ce n’est pas faux, et l’idée que, sur cette terre, nul ne devrait être contraint de faire quelque chose qu’il ne souhaite pas part d’une intention généreuse. Malheureusement, la pénalisation des clients n’apportera aucun remède à leur situation parce que ce n’est pas elle qui résoudra le problème du chômage. Ce n’est pas parce que les clients seront pénalisés qu’ils trouveront un emploi et que, par suite, ils cesseront d’être contraints de se prostituer contre leur gré. Au contraire, la pénalisation des clients ne fera que rendre leur situation plus difficile et plus précaire.

 

 

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