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La prostitution
8 décembre 2016

La pénalisation des clients condamne-t-elle des innocents ?

Vient de paraître sur librairie en ligne Bookelis

Cet ebook est une analyse juridique de la loi de pénalisation des clients du point de vue de ces derniers. Ce point de vue a été jusqu'ici peu examiné, les opposants à la loi se plaçant toujours du point de vue des prostituées.

 

La pénalisation des clients condamne-t-elle des innocents ? - Bookelis

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A titre d'exemple, en voici l'introduction 

Le 6 avril 2016, après deux ans et demi de confrontations tendues, l’assemblée nationale a adopté définitivement la loi dite loi « visant  à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.». Promulguée le 13, elle parait au journal officiel du lendemain sous le numéro N° 2016-444. Ainsi, après plus de quinze années d’une propagande acharnée, les lobbys féministes sont parvenus au but qu’ils s’étaient fixé, importer en France la législation répressive sur la prostitution adoptée en Suède en 1999.

La loi du 13 avril 2016 est une loi de prohibition parce qu’elle vise à faire reculer la prostitution par des méthodes répressives. Bien que ses cibles alléguées soient le crime organisé et les clients des prostituées, elle est en réalité une loi dirigée contre la prostitution et contre les prostituées elles-mêmes. Elle institue une prohibition indirecte. La répression du proxénétisme entendue de manière extrêmement large, comme c’est le cas en France, constitue une forme de prohibition indirecte de la prostitution parce qu’elle empêche les prostituées de s’organiser et de travailler dans de bonnes conditions. De la même manière, la répression dirigée contre les clients des prostituées est aussi une forme de prohibition indirecte non seulement parce qu’elle rendra plus difficile de trouver des clients, mais encore parce qu’elle aura pour conséquence une plus grande précarité comme le constatent des organisations internationales, comme Onu sida et les ONG qui accompagnent les personnes prostituées dans l’accès à leurs droits. Elles seront également condamnées à l’isolement et à la clandestinité et plus que jamais exposées aux risques sanitaires, en raison d’une moindre utilisation des moyens de protection.

Cependant une conséquence de la loi N° 2016-444 du 13 avril 2016 « visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel » a été peu remarquée et peu commentée : c’est le fait qu’elle introduit un traitement discriminatoire entre les personnes prostituées et les personnes clientes. Si ce fait n’a surpris personne, c’est parce que cette discrimination a paru à tous « une évidence ». N’est-il pas évident que les clients sont les seuls fautifs, les seuls coupables ? Cela a semblé d’autant plus évident que la France n’est pas le premier pays à instituer une législation discriminatoire. Une législation de ce type existe déjà en Suède depuis 1999. Par suite, les choses se passent comme s’il existait en droit français un adage qui dirait : « Qui dit suédois, dit juste ». A partir du moment où la discrimination est un « modèle » scandinave, il n’est plus nécessaire de se poser la moindre question.

De plus, étant donné que l’immense majorité des personnes clientes sont des hommes, nous pourrions avoir le sentiment que la loi n’introduit pas seulement une discrimination entre les personnes prostituées et les personnes clientes, mais carrément une discrimination sexiste. J’en veux pour preuve que si l’on parle parfois de « personnes prostituées » ou de « prostitué-e-s » afin de bien montrer qu’on ne veut faire aucune discrimination en fonction du sexe et que l’on tient compte d’une minorité assez importante d’hommes prostitués, je n’ai jamais vu nulle part (sauf dans le paragraphe précédent, bien sûr) l’expression « personne cliente » ou la graphie « client e s ». Chacun écrit directement et sans autre forme de procès : les clients.

Si nous soulevions impertinemment la question du sexisme (je vous rassure, cela n’est jamais arrivé), on nous répondrait inévitablement que la loi de pénalisation des clients ne présente absolument aucun caractère sexiste. Il suffit de lire le texte de l’art. 611-1 qui punit les clients pour vérifier qu’il ne fait aucune référence au sexe de la personne cliente. Art. 611-1 : « Le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. ». Vous le constatez par vous-même, l’article dit « le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir », sans aucune précision du sexe de la personne qui sollicite, accepte ou obtient. Est-ce sa faute si la tartine tombe systématiquement sur le côté où il y a la confiture ? Je vous rappelle en outre que la pénalisation des clients vient de Suède, le temple du féminisme. Oseriez-vous insinuer qu’une loi d’inspiration féministe pourrait être sexiste ? Non, bien sûr1. Alors le débat est clos.

Il n’en reste pas moins que si la loi n’introduit aucune discrimination sexiste, elle introduit tout de même une discrimination en fonction des rôles des acteurs de la prostitution. Les personnes prostituées ne sont pas pénalisées, alors que les personnes clientes le sont. Pour justifier la répression pénale contre les clients des prostituées, les promoteurs de la loi N° 2016-444 du 13 avril 2016 ont mis en avant un nombre considérable d’arguments : s’il n’y avait pas de demande, il n’y aurait pas d’offre, la prostitution serait contraire au principe de l’égalité entre les sexes, elle serait contraire au principe de non patrimonialité du corps humain, etc. L’inconvénient de tous ces arguments, c’est qu’ils ne justifient pas la discrimination.

Prenons un exemple, l’atteinte au principe de non patrimonialité du corps humain. A supposer qu’un client qui paie une prostituée achète un être humain, comme on nous le dit, le vendeur de l’être humain n’est-il pas la prostituée elle-même ? Les parlementaires ont justifié la création d’un délit de recours à l’achat de services sexuels par la nécessité d’envoyer « un signal fort » à tous ceux qui s’accommodent de la marchandisation du corps humain. Mais la prostituée qui « vend son intimité », ne s’accommoderait-elle pas par hasard, elle aussi, « de la marchandisation du corps humain », en l’occurrence de la marchandisation de son propre corps ? Ne conviendrait-il pas, dans ces conditions, « d’envoyer un signal fort » à celles qui s’accommodent de la marchandisation de leur propre corps, par la création d’un délit de recours à la vente de services sexuels ?

C’est la raison pour laquelle l’argument phare, l’argument qui forme la clé de voûte de toute l’argumentation punitive discriminatoire, c’est qu’en ayant des relations avec des prostituées, les clients se rendent coupables de violences sur ces dernières. Dès lors, il faut punir les coupables de violence sans punir les victimes de violences.

Si la prostitution est réellement, comme on nous l’assure, un acte de pénétration commis par violence, elle est juridiquement ce que l’on appelle un viol. Or, l’examen de l’article nouveau du code pénal qui réprime les clients de prostituées montre qu’il condamne en réalité un acte sans violence d’aucune sorte. Relisons, si vous le voulez bien, le libellé exact de l’article 611-1 nouvellement introduit dans le code pénal français : « Le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe ». Lisez-vous le mot « violence » dans cet article ? Pour ce qui me concerne, je ne l’y trouve pas.

De la sorte, la justification avancée pour justifier la condamnation des clients – la violence qu’ils exerceraient sur les prostituées - est-elle fondée ? Et si elle l’est, comment se fait-il qu’elle ne soit pas l’un des critères retenus pour qualifier l’infraction ? Les promoteurs de la répression contre les clients l’ont justifiée par un motif, mais les clients seront condamnés en l’absence de ce motif. N’y a-t-il pas là une contradiction ?

Si le motif mis en avant pour justifier la pénalisation des clients n’était qu’un prétexte, la pénalisation des clients ne condamne-t-elle pas des innocents ?

Vous pouvez télécharger la suite de ce livre sur le site Bookelis.

Formats disponibles : epub, mobi et PDF. Voici le lien :

1 En vertu de l’adage : « Qui dit féministe, dit non sexiste ».

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