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La prostitution
28 novembre 2004

Payer n'est pas acheter

Pervertir les mots, c'est s'assurer un pouvoir sur nous; c'est nous empêcher de raisonner.

La perversion du vocabulaire n'est pas propre au féminisme, mais les féministes y excellent. C'est ainsi que, s'agissant de la passe, ils disent systématiquement que l'homme "achète" la prostituée au lieu de dire, conformément aux faits, qu'il la paie.

L'achat se réfère au contrat de vente. La vente est un contrat extrêmement courant. C'est le contrat qui intervient entre une personne appelée le vendeur et une autre personne appelée l'acheteur. La vente entraîne le transfert de propriété d'une chose vendue (une baguette de pain, une voiture, un bien immobilier, etc.). L'obligation du vendeur est de livrer la chose vendue, l'obligation de l'acheteur de payer le prix convenu (que l'on appelle prix de vente). Ce qui caractérise la vente, c'est le transfert de propriété d'une chose vendue. Avant la vente, la chose était la propriété du vendeur. Après la vente, elle est la propriété de l'acheteur.

Le sens du verbe payer est très différent. Payer, c'est seulement verser une somme d'argent. Bien sûr, dans la vente l'acheteur paie une somme d'argent. Mais il est contraire à la logique d'en déduire que tout paiement d'argent est un achat. Il y a de nombreux cas dans lesquels on paie sans acheter. On paie une amende, ses impôts, une prestation compensatoire ou une pension alimentaire. Ce n'est pas parce qu'il y a paiement qu'il y a transfert de propriété. Lorsqu'un individu paie une amende, il n'y a absolument aucun transfert de quelque proprité que ce soit. Payer et acheter ne sont donc pas du tout synonymes.

Dire qu'un homme qui paie une prostituée l'achète est une absurdité. Il ne l'achète pas, mais la rémunère pour une prestation, exactement comme on rémunère un avocat, un dentiste, un coiffeur ou un médecin. Dire qu'il l'achète est aussi absurde que dire qu'un accusé achète un avocat, qu'un voyageur qui prend un taxi achète le chauffeur du taxi ou qu'une femme qui se fait faire une mise en plis achète le coiffeur.

En dépit de ces faits évidents, les prohibitionnistes prennent soin de confondre le paiement de la prostituée avec l'achat d'une personne humaine. Vous les entendrez dire des choses du genre : "Au vingt troisième siècle, on ne peut pas admettre qu'un être humain en achète un autre". Ou encore: "Dans une société égalitaire, on ne peut pas admettre qu'un homme achète une femme". Le glissement de sens est énorme.

Isabelle Alonso, la chienne de garde bien connue, consciente que le verbe "acheter" est déplacé, tente de prévenir l'objection. "Vous me direz, acheter pour un moment, ce n'est pas vraiment acheter. C'est tout juste louer". Mais alors, ai-je envie de demander, si les prohibitionnistes, Isabelle Alonso en particulier, comprennent que le verbe acheter n'est pas correct, pourquoi continuent-ils de l'employer? S'ils pensent que "louer" traduit mieux la réalité, pourquoi ne disent-ils pas: "Au vingt troisième siècle, on ne peut pas admettre qu'un être humain en loue* un autre"? C'est que, voyez-vous, louer ne fleure pas assez la traite des nègres. Cela ne fait pas assez "esclavage". Bref, ce n'est pas assez dramatique. Alors, ils continuent d'employer 'acheter'. Et si on le leur fait observer, ils répliqueront que "c'est une manière de parler". On retrouve souvent chez les féministes cette idée que l'on peut employer les mots en dehors de leur sens sans commettre un mensonge parce que "c'est une manière de parler"; parce que "cela ne change rien"; parce que "tout le monde comprend ce qu'on veut dire". Si je dis par exemple qu'il fait jour à minuit, vous devez comprendre, c'est évident, que dans ce contexte, il fait jour signifie qu'il fait nuit. Par suite, toute personne qui oserait soutenir que je me trompe ou que je mens n'est qu'un imbécile qui n'a rien compris. Bien sûr, quand je dis qu'il fait jour, je ne veux pas vraiment dire qu'il fait jour. C'est juste "une manière de parler". Alors, pourquoi chipoter? Et affirmons sans frilosité que Vercingétorix a été assassiné par Ravaillac, que Paris est la capitale du Vénézuela, que Bordeaux se trouve sur les bords du Mékong, etc. C'est juste une manière de parler.

Ces amalgames découlent, bien sûr, d'une profonde malhonnêteté intellectuelle, d'une attitude cynique et d'une absence de scrupules. Mais il y a aussi une dose non négligeable d'ignorance : toutes ces femmes qui nous disent que la prostituée est "achetée" ne savent pas de quoi elles parlent. Elles ne connaissent pas concrètement la prostitution. Elles ne l'ont jamais vécue. Elles ont lu des livres (féministes), écouté des conférences (féministes), suivi des séminaires (féministes), écrit et disserté à perte de vue, mais elles n'ont aucune expérience concrète de la passe. Elles ne savent pas ce que c'est. Dans leur imaginaire, dans leur mythologie, l'homme qui a une relation payante avec une femme est son maître. Il fait d'elle "ce qu'il veut" sans qu'elle ait son mot à dire. Comme ces fantasmes sont loin de la réalité! Moi qui en ai l'expérience, je peux en parler en connaissance de cause et je peux dire que ce n'est pas du tout le cas. La passe est une relation de domination de la prostituée sur l'homme. C'est elle qui décide, c'est elle qui mène le jeu. C'est elle qui impose les règles. L'homme n'a pas le droit de "toucher" (la prostituée dira: "c'est 300 francs sans toucher"). Cela veut dire qu'il n'a pas le droit de lui caresser les seins, par exemple. Si l'homme veut quelque chose de particulier, par exemple une sodomie, il doit le demander. Et la prostituée accepte ou non. Dans un achat, la chose achetée n'a pas son mot à dire. Elle n'a pas de consentement à donner. La prostituée, elle, décide, c'est tout à fait différent. J'entends déjà la réponse: encore heureux! C'est bien la moindre des choses... Il ne manquerait plus que cela qu'un homme puisse caresser une femme sans son consentement! Je vois une contradiction entre ces deux positions. On ne peut pas à la fois admettre que, dans la passe, l'homme ne fait rien sans le consentement de la femme et soutenir en même temps qu'elle est achetée. En outre, une prostituée peut refuser un client. Elles choisissent. Il y en qui refusent les immigrés pauvres (les arabes). Certaines le font même de manière méprisante.

La relation d'une prostituée avec un homme n'est donc pas la relation d'une chose avec son propriétaire, mais une relation entre deux personnes. Et dans cette relation, l'un a le dessous (l'homme), l'autre le dessus (la femme). De ce point de vue, il y a une grande différence entre la relation avec une prostituée et une relation normale. Dans une relation normale, la femme ne domine pas l'homme comme la prostituée domine le client (par exemple, elle ne le met pas dehors au bout d'un quart parce que "c'est fini").

Cette violence faite à la terminologie est volontaire. Elle a un but précis: évoquer l'esclavage, faire allusion aux marchés aux esclaves comme ceux qui existaient aux Etats-Unis dans la première moitié du 19e siècle. L'objectif est de dramatiser, d'intimider, de bloquer la discussion. En pervertissant ainsi les mots, les prohibitionnistes s'assurent un pouvoir sur nous et nous empêchent de raisonner. Ils violent nos consciences et méprisent notre liberté.

* De toute façon, louer n'est plus exact qu'acheter. L'homme ne loue pas plus qu'il n'achète. Comme je l'ai expliqué, il paie, ce qui est différent.

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Commentaires
P
Si on accepte "louer" on revient à une notion de droit ou le louage est codifié et reconnu. Ce qui oblige de reconnaître par extension que celui loue est un prestataire et à des droits.<br /> Or c'est cela que l'on refuse à la prostitution.<br /> Or lui refuser des droits à quelqu'un c'est le rendre esclave. Tandis qu'acheter c'est bassement mercantile!!!!!!
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